Nous consacrons ces lignes à une véritable icône du cinéma, une femme qui a marqué l'histoire du septième art de son empreinte indélébile : Alice Guy. Cette femme visionnaire a été à l'avant-garde de l'industrie cinématographique, bousculant les conventions de son époque et ouvrant la voie à de nouvelles possibilités créatives.

Les débuts d'une carrière révolutionnaire

Alice Guy est née le 1er juillet 1873 à Saint-Mandé, en France et possède un intérêt précoce pour la technologie et l'art. Cette passion naissante l'a conduite, à l'âge de 21 ans, à travailler pour Léon Gaumont, pionnier de la photographie et du cinéma. À l'époque sténographe, Alice est embauchée en tant que secrétaire. Ce poste, même si peu gratifiant, lui permet de rencontrer des personnes éminentes du milieu cinématographique comme les frères Lumière.

Petite_and_so_What_alice_guy_portrait
Portrait d'Alice Guy.

Alice décide de se former à la photographie et au trucage très rapidement et découvre la première caméra appelée "Phonoscope". Ce Phonoscope est une véritable catastrophe commerciale pour l'entreprise et Alice propose de réaliser quelques vues comiques pour en réaliser la promotion. C'est ainsi qu'en 1896, alors âgée de seulement 23 ans, elle réalise son premier film, "La Fée aux Choux", souvent considéré comme l'un des premiers films narratifs de l'histoire.
Alice Guy décrit ce premier court métrage comme "Une fée qui extrait d'un potager de choux un nouveau-né qu'elle montre, ravie, à la caméra. Bien que le tournage soit effectué dans un véritable jardin, tous les végétaux sont reconstitués en bois et plâtre peints".

Le triomphe de cette réalisation conduit Léon Gaumont à lui confier la responsabilité d'une unité dédiée à la production de films d'animation, un rôle qu'elle occupera de 1896 à 1907. Elle a non seulement dirigé les premiers films de cette unité, mais elle a également choisi son équipe de collaborateurs propulsant certaines personnes sur le devant de la scène comme le réalisateur Louis Feuillade. 

L'audace et l'innovation au cœur de son travail

Alice Guy a eu la chance de réaliser de nombreux films, mais elle n'en était pas moins talentueuse et a également été l'une des premières à introduire des éléments narratifs, des effets spéciaux et des acteurs professionnels dans ses productions. Ainsi elle n'a pas eu peur de défier les conventions de l'époque en abordant des sujets divers, tels que la comédie, le drame, et même le fantastique.

Petite_and_so_What_alice_guy_en_tournageAlice Guy en tournage.

En 1906, elle réalise "La Vie du Christ", l'un des premiers longs métrages de l'histoire du cinéma, démontrant son engagement envers l'exploration des possibilités infinies de cette nouvelle forme d'art.  L'engouement du public pour son film inspire d'autres sociétés de production telles que Lumière et Pathé à explorer des sujets similaires. En 1906, elle décide d'aller encore plus loin avec une production ambitieuse pour l'époque, mettant en scène 300 figurants et comprenant 25 séquences. Cette réalisation totalise plus de 600 mètres de pellicule, soit environ une demi-heure de film et lui vaut les éloges de Louis Gaumont, ainsi que la médaille de la ville de Milan en reconnaissance de son succès. 

Elle a également été une pionnière dans l'utilisation de la couleur au cinéma, avec des films tels que "Le Tango" en 1905, où la teinte était appliquée à la main sur chaque copie du film. Son travail a contribué à transformer le cinéma muet en une expérience visuelle plus riche et diversifiée.

Alice aborde aussi des thèmes sociaux qui lui tiennent particulièrement à cœur. Par exemple, en 1906, elle réalise un court-métrage sarcastique intitulé "Les Résultats du féminisme", où les rôles traditionnels des hommes et des femmes sont inversés, mettant en évidence de manière satirique les inégalités et traitant d'un problème toujours d'actualité. Cette même année, ses films "Une femme collante" et "Madame a des envies" abordent, toujours avec une touche d'ironie, les stéréotypes entourant le désir féminin. Il est évident qu'elle portait un vif intérêt à la question du sexisme et était une féministe dans l'âme.

L'épopée Américaine

En 1907, elle épouse Herbert Blaché, un opérateur issu de l'agence Gaumont de Londres et le suivra aux États-Unis pour poursuivre la promotion du Chronophone, descendant direct du Phonoscope. 

Petite_and_so_what_Alice_Guy_et_son_mariAlice Guy et son mari.

Expatriée, Alice Guy décide de fonder sa propre société de production cinématographique, Solax, à Fort Lee, New Jersey. Solax Studios devient l'une des principales sociétés de production des États-Unis, s'établissant solidement juste avant l'arrivée d'Hollywood. Alice Guy affiche fièrement sur ses plateaux de tournage une pancarte bien significative : "Be Natural" (Soyez Naturels). Et lorsque certains de ses acteurs blancs refusent de partager l'écran avec des acteurs noirs, Alice ne prend pas peur et continue de défendre les causes qui lui sont chères. Elle décide alors de réaliser "A Fool and His Money" en 1912, l'un des premiers films à mettre en vedette exclusivement des acteurs afro-américains. 

L'héritage durable d'Alice Guy

Alice continuera à réaliser des films révolutionnaires et à encourager de nouveaux talents jusqu'à la fermeture de sa société en 1914. Malheureusement, l'histoire a souvent négligé la contribution d'Alice Guy au cinéma, mais son héritage perdure.

Aujourd'hui, elle est reconnue comme l'une des premières réalisatrices de l'histoire du cinéma, une femme audacieuse et visionnaire qui a ouvert la voie à de nombreuses autres femmes dans l'industrie.
En mémoire d'Alice Guy, de nombreux festivals de cinéma et organisations reconnaissent désormais son travail et son influence. Son héritage perdure à travers les réalisatrices d'aujourd'hui qui continuent de briser les barrières de l'industrie cinématographique.

En conclusion, Alice Guy demeure une icône du cinéma, une figure inspirante qui a suivi sa passion avec détermination et vision. Elle a ouvert la porte à une nouvelle ère de créativité cinématographique, prouvant que le talent n'a pas de genre.

Crédit photo : La Cinémathèque Française ; BFMTV ; Radio France ; RTL 
Sources : L'Obs ; Le Monde ; Libération ; Les Échos ; La Cinémathèque Française
Elsa Sarracanie