Le bio est le seul avenir possible durable pour le monde viticole de demain. On ne produira pas de grands vins avec la chimie ! Le vin est un produit vivant qui doit être accompagné avec douceur et précaution.
Peux-tu commencer par nous parler de ton parcours ?
Je suis titulaire d'un baccalauréat scientifique. J'ai fait une prépa scientifique à Versailles au Lycée Privé Saint Geneviève (alias « Ginette » pour les intimes ! ), puis j'ai intégré l'ESTP. C'est une école d'ingénieur spécialisée dans les travaux publics à Paris. J'ai été diplômée en 2012, et je me suis mariée la même année. Le premier poste de mon mari était basé à Toulouse, on a donc déménagé ensemble. J'ai trouvé un premier job en tant qu'ingénieur d'affaires, puis un second. Au bout de deux ans et demi, j’avais beaucoup appris. Mais quelque chose me manquait et cet univers finissait par me lasser... C'est à ce moment donné que j'ai décidé de me reconvertir.
Petite, je voulais d’abord être écrivain puis journaliste, et ensuite à l’adolescence je voulais devenir astrophysicienne… En fait l’éclectisme me caractérise bien car j’ai toujours été très intéressée par des matières très variées sans trop souvent être capable de faire un choix définitif (exactement comme devant une carte de restaurant… !). Ainsi, j’ai suivi les conseils de mon père qui m’a toujours dit que même si j’aimais les lettres il valait mieux s’engager dans un voie scientifique car ensuite on pouvait toujours se réorienter dans du littéraire mais que l’inverse était impossible. Jusqu’à la classe prépa, j’ai toujours adoré l’école et me suis plu énormément dans la peau de la « 1ère de la classe ». J’ai déchanté en arrivant en classe prépa en me retrouvant entourée de gens bien plus brillants que moi. Bien que j’ai vécu à cette période des moments très difficiles, cela a été une expérience humaine incroyable qui a complètement changé de multiples facettes de ma personnalité.
Tu as donc décidé de te reconvertir dans le vin. Pourquoi ce domaine ? Comment t'es venue cette passion pour l’œnologie ?
En quoi consiste la formation pour l'obtention du Diplôme National d’œnologue ?
Est-ce que tu nous présenter le domaine Saint-Louis ? Quels vins vous produisez ?
Le Château Saint Louis a été en 2005 le 1er domaine de l’AOC Fronton à entamer sa conversion en agriculture biologique. Je suis convaincue de la pertinence de cet engagement. Le bio est le seul avenir possible durable pour le monde viticole de demain. On ne produira pas de grands vins avec la chimie ! Le vin est un produit vivant qui doit être accompagné avec douceur et précaution depuis la vigne puis conduit tout au long de son élevage dans le respect de son harmonie intrinsèque afin qu’il puisse in fine se révéler brillamment en dégustation.
Nous produisons du blanc, du rosé et du rouge sous l'AOC Fronton ainsi que sous l'IGP (Indication Géographique Protégée) Comté Tolosan. Je ne vais pas trop rentrer dans les détails techniques mais dans l’appellation Fronton, nous devons utiliser au moins 50% du cépage Negrette dans nos assemblages.
La gamme de prix est assez large (de 6€/bouteille à 38€/bouteille pour notre cuvée haut de gamme). Il est essentiel pour nous de pouvoir satisfaire à la fois le consommateur local récurrent qui veut se faire plaisir tous les jours avec un vin à un très bon rapport qualité prix et également satisfaire le besoin de quelqu’un qui souhaite faire un cadeau avec un grand vin de garde.
Après l'obtention de ton diplôme, tu deviens co-gérante du domaine avec ton père. J'imagine que tu dois cumuler beaucoup de responsabilités en tant que co-gérante mais quelles sont tes missions principales ?
Tant qu’il y avait mon père (jusqu’en Août 2018 où il est malheureusement décédé), je me concentrais principalement sur la partie concernant l’élaboration des vins et le développement de nouveaux clients.
Au fil des millésimes, je dois tâcher d’apprendre à toujours mieux connaître et apprivoiser mon terroir afin d’en sublimer les fruits. Rechercher à faire le meilleur des vins est une source intarissable de travail, de questionnements et de problématiques que je trouve intellectuellement des plus intéressantes. Cela demande une grande implication de l’esprit mais aussi du cœur, car un vigneron met toujours un peu de lui-même dans son vin et un grand vin ne peut naître qu’avec l’amour de celui qui le fait. C’est ce supplément d’âme même que je souhaite faire ressentir en toute simplicité dans la convivialité d’un verre partagé.
La partie concernant l’œnologie pure est ma mission technique préférée mais je dois avouer que n’est pas malheureusement celle qui me prend le plus de temps.
Au-delà de mon rôle essentiel sur l’élaboration des vins du domaine, mes missions principales (et qui me prennent le plus de temps !) sont similaires à celles de tout chef d’entreprise : planifier les différentes tâches des salariés, gestion du relationnel client, pilotage des entrées/sorties pour savoir quand nous devons de nouveau élaborer des nouvelles cuvées et en quelle quantités, etc.
Le milieu du vin, c'est un milieu difficile et masculin. Qu'on soit un homme ou une femme, il est difficile d'être légitime déjà. Et en tant que femme, c'est d'autant plus difficile ! Est-ce que tu as des anecdotes à nous partager ?
Quelle est ta réaction face à ces remarques ?
Une répartie avec humour et ironie est à chaque fois la meilleure des réponses. Mon problème est que souvent la meilleure réplique, je la trouve souvent après l’évènement fâcheux ! A force d’expérience, j’espère que je finirai par avoir la bonne remarque à chaque fois pour laisser mon interlocuteur pantois.
Quelles sont tes forces en tant que femme dans ce milieu ?
Je sais que tu travailles actuellement sur un autre grand projet ! Est-ce que tu accepterais de nous en dévoiler plus ?
Tu es maman de trois enfants, tu fais tellement de choses entre la gérance du domaine, ton projet de distillerie. Quels sont tes secrets pour tout gérer ?
Je n’ai pas de grand secret excepté beaucoup d’organisation et énergie ! Je ne suis pas Superwoman non plus et évidemment ce serait mentir que de dire que je gère toujours tout parfaitement. Il y a des coups de bourre par exemple au moment des vendanges où je dois consacrer plus de temps aux vinifications ou pendant les périodes de vacances scolaires où je dois me dégager plus de temps pour les filles. C’est un jonglage permanent entre plusieurs métiers à travers lesquels on peut très vite se retrouver débordé intellectuellement et psychologiquement. Je m’astreins vraiment à des moments de « lâcher-prise » où je vais faire du sport ou une activité artistique pour me vider la tête, faire quelque chose pour moi, et ainsi préserver mon équilibre.
Quelques questions pour mieux te connaître pour finir.
Ton activité préférée quand tu ne travailles pas ?
La cuisine. J’adore passer du temps (la nuits parfois… ) à préparer des bon petits plats à toute ma famille.
Ta dernière lecture ?
« Vivre » d’Elisabeth Revoil qui relate le récit d’une tragédie de deux alpinistes avec l’exploit d’une femme aux ressources extraordinaires.
La tenue dans laquelle tu te sens à l'aise ?
Jean slim et tee shirt !
Ta pièce Petite and So What préférée ?
La chemise fleurie Rosa.
Les trois objets qui ne quittent pas ton sac à main ?